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            HIDDEN SIDE

La croissance mondiale: Pour qui?...

29 Décembre 2013 , Rédigé par WikiMust Publié dans #Économie

 

L'émergence de la Chine et de l'Inde modifie l'équilibre économique mondial. Désormais, la production totale des pays émergents égale celle des pays développés. Si la « richesse des nations » continue de croître à grande vitesse, le bien-être des populations ne marche pas forcément au même pas. D'où l'apparition de nouveaux indicateurs de richesse.

Quels sont les pays émergents ?

Il n'existe pas une liste des pays émergents établie à partir d'une définition claire et faisant l'objet d'un consensus. Mais les pays dits émergents peuvent toutefois se caractériser par deux éléments essentiels. Supposés être dans une phase de transition entre pays pauvres et pays riches, leur niveau de richesse (PIB par habitant) reste faible. En revanche, leur taux de croissance est supérieur à celui des pays développés. Ils connaissent en outre, depuis les années 1970-1980 pour la plupart, une insertion croissante dans le commerce mondial, et ont encore des potentiels de développement importants.

Selon ces critères, les pays émergents sont constitués par l'Asie hors Japon (Inde, Chine, Corée du Sud, Taïwan, Thaïlande, Philippines, Indonésie, Malaisie), l'Europe de l'Est ou, de manière plus restrictive, les pays d'Europe centrale et orientale (Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie), l'Amérique latine (Brésil, Argentine, Chili, Pérou, Colombie, Mexique, Venezuela), mais aussi la Russie, Israël, le Pakistan, la Jordanie, l'Égypte, le Maroc, la Turquie et, seul pays d'Afrique subsaharienne généralement considéré comme émergent, l'Afrique du Sud. Cet ensemble de pays représentait 15 % de la richesse mondiale en 1997 (7,5 % en 1967).

Parmi ces pays, la Chine et l'Inde fascinent et effraient. Ces deux « monstres » démographiques connaissent depuis plusieurs années des taux de croissance élevés qui en font, aux yeux des pays développés, à la fois des marchés prometteurs et des concurrents dangereux, menaçant les industries et les emplois. En 2006, la Chine (1,3 milliard d'habitants, 20 % de la population mondiale) est la troisième puissance économique mondiale en termes de PIB mesuré au taux de change courant. Depuis 1978, la politique d'ouverture menée par le gouvernement chinois, marquée notamment par son adhésion à l'OMC en 2001, a favorisé un développement très rapide des échanges extérieurs et du PIB. Le taux de croissance annuel moyen de son PIB était de 8,2 % entre 1975 et 2001 (1,7 % pour la France). Si elle contribue donc à la croissance mondiale de manière significative, représentant une source de changements importants dans l'équilibre économique mondial (voir l'entretien p. 10), elle ne représente encore que 4 % du PIB mondial en 2004 (au taux de change courant).

Avec son PIB de 667 milliards de dollars (taux de change courant) en 2004 (1,7 % du PIB mondial), l'Inde, plus grande démocratie du monde, se classe au dixième rang des puissances économiques. La croissance annuelle de son PIB (parité de pouvoir d'achat-, PPA), qui a été en moyenne de 6,1 % entre 1995 et 2004, repose notamment sur le développement des services et les technologies de l'information, domaine dont le pays est devenu l'un des leaders mondiaux. La pauvreté a nettement reculé au cours des années 1990, améliorant ainsi l'ensemble des indicateurs sociaux. Elle reste cependant élevée, puisque, d'après la Banque mondiale, 25 % de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté (50 % au début des années 1950).

Le Sud sort-il du sous-développement ?

Si certains pays du Sud « émergent » et réussissent par la croissance économique à réduire globalement leur niveau de pauvreté et à améliorer des indicateurs de développement comme le taux d'alphabétisation ou l'espérance de vie, d'autres semblent stagner irrémédiablement dans le sous-développement. Ainsi l'Afrique subsaharienne. L'Afrique connaît pourtant une croissance relativement bonne depuis le début des années 2000, due en partie à la montée des cours des matières premières. Mais la part de l'Afrique dans les exportations mondiales de marchandises n'est que de 2,6 % en 2004 (voir l'encadré p. 12). L'augmentation récente de la valeur des exportations africaines est due davantage à l'envolée des cours des matières premières qu'au développement de sa production industrielle. Et « la croissance reste sensiblement inférieure au seuil de 7 %, considéré par le document fondateur du Nepad comme nécessaire pour faire durablement et nettement reculer la pauvreté ». En 2002, 44 % de la population africaine vivait sous le seuil de pauvreté-, pourcentage identique à celui de 1990. D'après les projections de la Banque mondiale, ce taux devrait être de 38 % en 2015, ce qui reste sensiblement inférieur aux objectifs que s'est fixés l'institution internationale.

L'Afrique subsaharienne est la seule région au monde dans laquelle l'indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) se soit dégradé entre 1995 et 2005, en raison de la diminution de l'espérance de vie due à l'épidémie de sida. Si, d'après les travaux du Pnud, la croissance économique reste le meilleur moyen de réduire la pauvreté, le développement des échanges économiques et le dynamisme asiatique n'empêche pas le creusement des inégalités de richesse, dont l'Afrique est la première à souffrir.

Quelle est la place de l'Europe ?

Entre les deux pôles de croissance mondiaux que sont l'Amérique du Nord et l'Asie émergente, l'Europe présente des indicateurs économiques qui peuvent inquiéter : taux de croissance du PIB aussi faible que le taux de natalité, entraînant par conséquent un vieillissement de la population et un chômage de masse persistant. En revanche, les délocalisations, qui cristallisent tant de peurs, ne semblent pas avoir été très coûteuses en emplois jusqu'à présent. En effet, la concurrence asiatique ne s'exerce pas sur les mêmes produits que ceux fabriqués en Europe. L'Union européenne reste la première puissance économique du monde.

En fait, le développement du commerce mondial depuis les années 1980 n'a que peu entamé le leadership des pays riches. En 2003, les exportations de l'Union européenne représentent encore 39,3 % des échanges commerciaux mondiaux en 2003 (40,2 % en 1993). Plus de la moitié de ces exportations se font à l'intérieur de l'Union. Les importations européennes en provenance de Chine représentent 1,5 % des échanges mondiaux (0,8 % en 1993).

De la même manière, les investissements directs étrangers- profitent principalement aux pays développés : près de la moitié d'entre eux concernent l'Union européenne et les États-Unis, contre 9 % pour la Chine. Ainsi, malgré la mollesse relative de la croissance européenne, le dynamisme de pays comme la Chine est encore loin de remettre en cause les niveaux de richesse des Européens. D'après la Banque mondiale, d'ici 2015, les revenus élevés ne concerneront que 13 % de la population totale de la planète.

Le PIB est-il une bonne mesure de la richesse ?

Le moyen le plus simple de mesurer la richesse d'un pays et de ses habitants est le PIB. Si la croissance du PIB diminue généralement la pauvreté et favorise le développement, le lien est loin d'être mécanique. Par ailleurs, la croissance économique peut avoir des effets néfastes sur le bien-être, sur l'état des ressources naturelles, sur la dégradation de l'environnement. Ces phénomènes sont à l'origine d'une remise en cause de la mesure de la richesse par le PIB.

Le PIB mesure la production de biens et de services, marchands et non marchands, d'un pays. Il permet d'en mesurer l'accroissement et de la comparer avec celle d'autres pays. Issu de la comptabilité nationale, il reste aujourd'hui la référence dominante lorsqu'il s'agit d'apprécier la croissance et la santé économiques d'un pays. Mais c'est dans les années 1970, puis dans les années 1990, que s'est fait sentir le besoin d'indicateurs permettant d'apprécier l'état de développement, de bien-être ou de santé sociale, et pouvant servir de guide à l'action publique.

De nombreuses raisons empêchent le PIB de remplir cette fonction : il ne tient pas compte d'innombrables éléments qui contribuent positivement ou négativement au bien-être - comme les services domestiques et le bénévolat -, sous-estime généralement les services, ignore les inégalités de revenu, la dégradation du capital écologique ou humain (niveau d'éducation, par exemple).

Comment corriger les mesures monétaires de la richesse ?

Il existe deux grandes catégories d'indicateurs de richesse alternatifs : les indicateurs évalués monétairement et les indicateurs non monétaires. La logique des premiers repose sur la prise en compte des nuisances et coûts cachés de la croissance, que représente la dégradation des patrimoines productif, écologique et humain. La première tentative marquante de ce type est celle des Américains James Tobin et William Nordhaus, qui proposaient en 1973 une mesure du bien-être économique durable (Ibed), fondée sur le calcul des variations de stocks de richesses publiques ou privées : le capital reproductif net (équipements, infrastructures), le capital non reproductible (terre et actifs nets étrangers), le capital d'éducation et le capital de santé. Mais c'est seulement au milieu des années 1990 que de nombreux « indices de bien-être économique durable » sont proposés et discutés, par une pluralité d'acteurs, universitaires, militants, responsables d'ONG ou de fondations. Ces indicateurs intègrent des facteurs de bien-être durable de nature économique (niveau de vie), sociale (inégalités par exemple), environnementales, ainsi que les contributions d'activités non monétaires (bénévolat, activités domestiques) au bien-être individuel.

Dans cette veine, le GPI (genuine progress indicator, indicateur de progrès véritable - IPV - en français) a été mis au point par l'organisme de recherche américain Redefining Progress : à un niveau de consommation corrigé par un indicateur d'inégalité sont ajoutés le travail domestique et le bénévolat, le service des biens durables, publics et privés, l'investissement net en capital physique. Sont comptabilisés négativement les coûts de la pollution, des destructions de patrimoine naturel (forêts, terres cultivées, zones humides, couche d'ozone, etc.), des délits, du chômage, des accidents, des fractures familiales, la dette extérieure et la diminution du temps de loisir. Il est frappant de constater que le GPI aux États-Unis et l'Ibed au Royaume-Uni, en Suède et en Allemagne cessent de progresser au milieu des années 1970 et diminuent à partir du début des années 1980, alors que le PNB par habitant progresse de manière quasi continue sur la période.

Quelles perspectives pour ces nouveaux indicateurs ?

Les nombreuses propositions d'indicateurs de bien-être, considérés comme des alternatives au PIB, se heurtent à de sérieuses critiques. Outre des problèmes techniques parfois redoutables, le choix des éléments entrant dans le calcul d'un indicateur est toujours normatif et se prête à ce titre à toute sorte de contestation. Comment justifier, par exemple, que le bien-être d'une multitude d'individus dépend pour un tiers de son état de santé et pour un tiers de son niveau de consommation ? Pourquoi privilégier le bien-être durable (donc des générations futures) par rapport au bien-être actuel ? La critique des indicateurs est une critique politique plus que technique, car élaborer un indice de bien-être revient à construire la norme qui déterminera l'action publique. Le succès d'un indicateur dépend du degré de consensus qui peut s'établir à son propos dans l'opinion. C'est pourquoi les défenseurs des nouveaux indicateurs de richesse encouragent les débats autour de la définition d'une norme de bien-être, seule susceptible de faire émerger un tel consensus et de leur donner l'efficacité politique qui leur fait encore défaut.

Peut-on mesurer autrement le bien-être ?

S'éloignant plus radicalement de la logique de la comptabilité nationale et laissant de côté toute mesure monétaire, certains indicateurs s'attachent à mesurer directement le développement humain ou la santé sociale : le plus connu d'entre eux est l'indice de développement humain (IDH) que publie chaque année le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). L'IDH est la moyenne simple de trois indicateurs, le PIB par habitant en PPA, l'espérance de vie et le niveau d'instruction. Le classement des pays développés issu de l'application de l'IDH diffère sensiblement de celui issu de l'application du PIB par habitant. L'indice de santé sociale a été mis au point au milieu des années 1980 par deux Américains, Marc et Marque-Luisa Miringoff. A la différence de tous les indices précédents, l'indice de santé sociale ne tient aucun compte du niveau de consommation ou de production. Il tient compte d'indicateurs comme la mortalité infantile, l'usage de drogues, le taux de suicide, l'espérance de vie des plus de 65 ans, l'accès au logement, etc. Là encore, le calcul de cet indice pour les États-Unis entre 1960 et 1995 fait apparaître un spectaculaire décrochage à partir de 1973 entre les évolutions du PIB par habitant et de la santé sociale ainsi mesurée.

Enfin, l'indice de bien-être économique (Ibee) des Canadiens Lars Osberg et Andrew Sharpe mêle données monétaires et non monétaires portant sur la consommation courante, l'accumulation nette de stocks de ressources productives, la pauvreté et les inégalités de revenus, et enfin le degré de sécurité économique, c'est-à-dire la qualité de l'assurance contre le chômage, la maladie, la vieillesse, etc.

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