On remarquera au passage, outre le sauvetage des Juifs, ces «invisibles» faisaient partie de la Résistance. Voilà encore un fait de bravoure à mettre à l’actif de «l’oeuvre positive des colonisés pour la France». Ces Invisibles n’ont que faire de la reconnaissance en tant que «justes; tsadikin» de la part de Yad Vashem. Ils ont fait leur travail dignement en accord avec leur honneur et leur religion. Il ne faut pas croire que ces faits de la part des musulmans est un fait isolé. Pour comprendre cette empathie naturelle des musulmans envers le genre humain et montrer que ce qui est arrivé en 39-45 n’est pas une singularité, rappelons-nous l’exemple de l’Emir Abdelkader. Et sa célèbre phrase quand il sauva plusieurs centaines de chrétiens lors des émeutes de Damas «Mes frères, votre conduite est impie ! Les chrétiens, tant qu’un seul de ces vaillants soldats qui m’entourent sera debout, vous ne les aurez pas, ils sont mes hôtes». (12)

On sait que la Turquie fut sommée de livrer les Juifs étrangers. Nous voulons rapporter le dévouement admirable d’un consul turc en France qui prit tous les risques. C’était en mars 1942. Son père Beli Arbel exerçait alors les fonctions de consul général de Turquie à Marseille. «Un jour, quelqu’un que je ne connaissais pas est venu voir mon père et lui a dit qu’il fallait qu’il se rende en Corse». Beli Arbel part sans hésiter et traverse la mer avec sa femme et son fils. (…) Alors qu’il vient d’arriver en Corse en ce printemps 1942, le petit Niel ignore tout des activités de son père, il a bien d’autres jeux en tête. Son père, lui, disparaît le matin en voiture et rentre le soir. Sa tournée doit rester discrète. Dans sa serviette, des passeports vierges à l’intention des Juifs de Corse qui devront faire l’objet d’une mesure de comptage par les autorités de Vichy. Sinistre besogne qui présage un départ sans retour pour l’Allemagne. Or, du fait que la Turquie reste neutre dans le conflit, les Juifs devenus citoyens turcs par naturalisation se retrouvent de facto «immunisés» par ce passeport dûment délivré par le consulat général de Marseille dont dépend la Corse, et par voie de conséquence, sauvés de la déportation qui s’intensifie depuis 1941. Les deux représentants de la République, le préfet de la Corse Paul Balley à Ajaccio et à Bastia le sous-préfet Pierre-Henry Rix prêtent leur concours attentif. (13)

Pïerre-Henry Rix confirme la naturalisation des Juifs de Corse au cours d’entretiens qu’il a eus en 1947 avec le général de Gaulle à La Boisserie. Il écrit: «Je lui ai raconté comment, grâce au chargé d’affaires permanent de Turquie à Vichy, M. Bedi Arbel, dans l’après-midi du 21 mars 1942, tous les Juifs de mon arrondissement furent dotés de la nationalité turque Ainsi, quelques semaines plus tard, l’envoyé de Vichy pour les affaires juives repartait bredouille». Dans son journal, Pïerre-Henry Rix, le sous-préfet de Bastia indique qu’il avait fait part au consul de Turquie de «certaines menaces» pesant sur les Israélites de son arrondissement. Tous les Juifs de la région de Bastia deviennent ottomans «() je lui ai cédé tous les Israélites de mon département, qui vont être déclarés sujets ottomans et qui échapperont à ce titre aux mesures vexatoires dictées par Vichy». (12)

 Dans la seule région de Marseille, le chiffre de 20.000 passeports est avancé. Le consul Beli Arbel disposait également de laissez-passer turcs pour traiter les cas les plus urgents. () Pour autant, grâce à ces vrais-faux passeports portant le sceau officiel de la Turquie et avec l’aide de l’administration française, la Corse n’a pas livré ses Juifs, contournant ainsi d’habile façon les lois de Vichy. Niel Arbel, le fils du consul, se dit fier de l’attitude de son père durant la guerre. Car «celui qui sauve une vie sauve l’humanité tout entière». (13)

 On sait qu’en 1943, l’Allemagne occupe l’Albanie. Les Albanais refusent aussi de donner les listes de Juifs albanais et étrangers. Ils les cachent, les intègrent à la population, leur apprennent les travaux des fermes ou les emploient dans leur petit commerce. «Nous étions des musulmans très pratiquants. C’était évident qu’il fallait aider les gens en difficulté et inconcevable de dénoncer des Juifs». «Dans notre foi musulmane, sauver une vie c’est gagner le paradis. BESA est un fruit de Coran». «Tous ceux qui frappent à ma porte sont une bénédiction de Dieu». On estime de 600 à 1.800 Juifs réfugiés dans ce pays, souvent en route pour la Palestine. (14)

Le devoir  humanitaire des dirigeants maghrébins

 Le Maghreb a fait son devoir vis-à-vis des Juifs, notamment maghrébins. On dit que «Mohammed V était consterné par les lois raciales de Vichy. Les sujets juifs de Sa Majesté sont définis par leur foi et non par la race. Le roi entre publiquement en dissidence, selon une note du Quai d’Orsay, lorsqu’il déclare aux notables juifs invités à la fête du Trône «Je n’approuve nullement les nouvelles lois anti-juives et je refuse de m’associer à une mesure que je désapprouve. Il n’y a pas de Juifs il n’y a que des sujets marocains», avait répondu le roi au représentant de la France de Vichy avant de l’inviter à prévoir 150 étoiles jaunes pour la famille royale si cette disposition venait à être adoptée. Refusant tout contact avec l’administration, il invita ostensiblement tous les rabbins du Maroc à la fête du Trône en 1941», rappelle Serge Berdugo. (15)

Un autre « sauveur » méconnu : 

 Le professeur Ali El Okbi, médecin en 1941, rejoint en 1941 l’hôpital franco-musulman de Bobigny (). Dès 1941, pendant l’occupation allemande, l’hôpital devient un centre de soins pour les résistants malades, organisé autour du docteur Ali El Okby et d’Ahmed Somia qui hospitalise les cas médicaux dans le service de pneumologie. André Meunier, interne en chirurgie, Alice Rollen, la pharmacienne, Abdelhafid Haffa, le concierge, et Georgette, son épouse, participent à cette activité avec la complicité active ou passive du personnel paramédical. Cette activité clandestine finit par se transformer en un groupe, la «Résistance hospitalière», lié d’abord puis intégré à la «Résistance de Bobigny et des communes voisines». De plus, Ali El Okbi faisait parti du réseau «Etienne». Ainsi de nombreux résistants, des soldats alliés, des évadés, des Juifs et des réfractaires au service du travail obligatoire (STO), décrété en 1943 par Vichy, menaçant des milliers de Français de partir en Allemagne, ont trouvé refuge et protection à l’hôpital Bobigny et échappé à la milice de Vichy et à la Gestapo, grâce à l’action responsable et courageuse des médecins de Bobigny. Ces derniers ont mis également leurs compétences médicales au service de la population locale, durement touchée par les privations de l’occupation et ont ainsi permis l’ouverture de l’hôpital à tous, sans distinction d’origine ou de religion. Au lendemain de la libération de Paris, en 1945, en reconnaissance de sa qualité de Résistant et de son assistance aux soldats alliés, Si Ali reçoit deux attestations décernées l’une par le général Dwight Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe, l’autre par son adjoint, le Britannique Arthur William Tedder. Pour les mêmes raisons, la médaille de chevalier de la Légion d’Honneur lui est attribuée, le 27 août 1954».(16)

La reconnaissance  en tant que « justes » : Une injustice pour une non revendication

 On peut s’étonner du fait que ces bons points soient distribués généreusement  pour certains et totalement interdits pour des motifs divers dont le plus décisif : «  cela ne présente pas un danger pour le sauveur » ? Il est important pour ceux qui sont en charge de ne jamais présenter ces actes de bravoure de la part des musulmans par contre parler  ad nauseam de l’entrevue d’Hitler avec l’imam de la mosquée de Jérusalem est donné pour diaboliser toute une religion

 Dans ce cadre comme nous lisons   la contribution suivante qui revient sur le personnage du recteur de la mosquée de Paris : «   Kaddour Ben Ghabrit, un Juste musulman oublié Le livre de Mohammed Aïssaoui permettra-t-il de faire avancer la reconnaissance de Kaddour Ben Ghabrit comme Juste des Nations ? L’auteur de  » L’étoile jaune et le croissant  » apporte quant à lui de nouveaux éclairages sur la personnalité du fondateur de la Grande Mosquée de Paris. Ben Ghabrit, avec l’aide de son imam Si Mohamed Benzouaou, aurait aidé des Juifs.  Il aurait notamment fourni une fausse attestation au chanteur Salim Halali.. Un dossier est ouvert à la commission des Justes de Yad Vashem mais il manque de témoignages probants. Il cite notamment celui de Serge Klarsfeld, dont la mère a pu obtenir de faux papiers faisant d’elle une musulmane, celui du fils d’une infirmière juive (Oro Tardieu-Boganim), et surtout celui de Philippe Bouvard. Le journaliste-humoriste, qui jusqu’alors n’avait guère rappelé ses origines juives, évoque comment sa mère Andrée Gensburger, juive alsacienne, fit appel à Ben Ghabrit pour faire libérer son père adoptif, Jules Luzzato, arrêté par les Allemands ».  (17)

 « S’il n’existe aucun Juste musulman en France, Yad Vashem, dont la procédure de reconnaissance est particulièrement stricte, en a reconnu soixante (Bosniaques et Albanais), dont un Turc.  Il s’agit du diplomate Selahattin Ülkümen (1914-2003), consul général à Rhodes en 1943 et 1944, Juste depuis 1989. D’autres musulmans, s’ils ne sont pas Justes, ont incontestablement sauvé des Juifs. Citons Necdet Kent, vice-consul à Marseille entre 1942 et 1945. L’action de Namik Kemal Yolga, ambassadeur de Turquie à Rome, Paris, Caracas, Téhéran, Moscou, est par contre contestée par certains historiens (notamment Esther Benbassa). Mentionnons également le rôle éminent d’Abdol Hussein Sardari, consul iranien de Paris en 1940, qui sauva 1200 juifs d’Europe en leur donnant la nationalité iranienne. Yad Vashem l’avait interrogé en 1978, trois ans avant sa mort, interrompant l’enquête initiée pour sa reconnaissance comme Juste ». (17)

 Est-ce par empathie que l’Etat d’Israël demande justice ou exploite-t-il le filon de la culpabilité ad vitam aeternam de l’Occident, se voulant seul attributaire des millions de dollars de «réparation» à l’endroit des rescapés des camps de la mort ? La réalité est tragique: «En Israël, des dizaines de milliers de survivants de l’Holocauste vivent sous le seuil de pauvreté. C’est ce que révèle le quotidien Haaretz daté du 24 avril dernier. Selon ce journal, 66% des survivants de l’Holocauste vivraient avec moins de 3.000 shekels par mois (soit environ 600 euros) Un tiers d’entre eux vivent seuls, ne disposant par conséquent d’aucune compagnie. Yediot Aharonot ajoute que sur les 193 000 survivants de la Shoah vivant en Israël, 50 000 vivent dans la pauvreté et 1.000 meurent chaque mois». (18)

On peut admettre que les Israéliens et non les Juifs reconnaissants ont intérêt à minimiser l’apport des musulmans qui ont sauvé les Juifs d’une mort certaine, Cependant, on ne peut pas comprendre que personne parmi les historiens n’ait essayé de comprendre pourquoi les musulmans des trois continents (Europe, Asie, Afrique), ont été amenés, certaines fois au péril de leur vie, à sauver des Juifs abandonnés à la machine de mort allemande. Les «Justes» musulmans oubliés ? Pourquoi ces indigènes n’ont pas vu leur nom dans le Mémorial français de la mémoire de la Shoah Ces musulmans qui ont aidé à alléger les souffrances des Juifs au moment de leur détresse n’attendent pas de médaille. Ils ont fait ce que leur conscience, leur tradition de secours aux malheureux, et leur religion leur ont dicté». (19)

 

Notes :

1. http://www.lexpress.fr/actualite/politique/rafle-du-vel-d-hiv-emmanuel-macron-dans-les-pas-de-jacques-chirac_1927718.html

2. Ph. Huysmans http://www.levilainpetitcanard.be/articles/edito/responsabilite-de-la-france-rafle-du-veldhiv_1506532087 (2)

3. https://francais.rt.com/international/41231-antisionisme-antisemitisme-shlomo-sand-macron

4. Sylvain Cypel Orient XXI, Sylvain Cypel, 19-07-2017

5. C.E. Chitourhttp://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/une-verite-a-marteler-l-182110

6. Eric Hazan http://www.liberation.fr/debats/2016/05/04/le-boycott-d-israel-n-est-pas-de-l-antisemitisme_1450552

7. http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference=P8-TA-2017-0243

8. https://fr.wikipedia.org/wiki/Juste_parmi_les_nations

9. Aurélie Champagne: http://www.rue89.com/2011/09/27/les-hommes-libres-lhistoire-oubliee-des-arabes-occupes-22366527/09/2011

10. http://mosquee-de-geispolsheim.over-blog.org/article-la-mosquee-de-paris-une-resistance-oubliee-1940-44-54521608.html 27 juillet 2010

11. http://kabylemag.com/2011/09/25/ces-kabyles-qui-ont-sauve-des-juifs-des-nazis/24.10.2006

12. Pierre-Henry Rix :Par le portillon de La Boisserie. Nouvelles Editions Latines. 1974

13. http://www.corsematin.com/article/papier/mars-1942-les-juifs-de-corse-sauves-par-un-passeport-turc 10 septembre 2011

14. http://www.un-echo-israel.net/Des-Musulmans-sauvent-des-Juifs le 24 janvier

15. http://dafina.net/forums/read.php?48,95361 95478.

16. http://www.leaders.com.tn/article/2496-professeur-ali-el-okbi-15-juillet-1916-29-mai-1984

17 :http://etoilejaune-anniversaire.blogspot.ca/2012/10/kaddour-benghabrit-juste-oublie.html

 18. http://fr.sott.net/article/20938-50-000-survivants-de-la-Shoah-meurent-de-faim-en-Israel

19. http://www.legrandsoir.info/an-nom-des-valeurs-humanitaires-de-l-islam-les-musulmans-qui-ont-sauve-les-juifs-des-massacres-d-hitler.html

Photo: La Grande Mosquée de Paris qui a sauvé des Juifs pendant la guerre